Lorsqu’un chiot vient agrandir notre famille, l’idée de sa socialisation à ses congénères s’impose. On cherche à ce qu’il rencontre d’autres chiens et on se retrouve parfois dans des écoles du chiot ou des balades collectives classées par âge.
Le sujet de cet article ne sera pas de critiquer ou non les écoles du chiot, elles ont leurs bons et mauvais côtés, mais je souhaiterai me pencher plus précisément sur les jeux entre chiots.
Que ce soit lors d’une rencontre fortuite avec un autre bébé chien, ou d’une “récré” où tous les chiots sont lâchés ensemble dans un environnement sécurisé, les jeux entre chiots devraient faire l’objet d’un soin tout particulier.
Même si l’idée de voir toute cette marmaille jouer ensemble peut s’avérer craquante, ces rencontres peuvent être lourdes de conséquences.
Le but de faire des rencontres canines à notre chiot est premièrement de lui apprendre les codes canins : Jouer sans harceler, respecter le refus, comprendre quand le jeu commence et se termine, être poli lors des rencontres ect.
Pour cela, notre chiot doit avant tout rencontrer des adultes posés, bien codés, qui sauront le recadrer si besoin, sans se montrer trop brusque.
Comment des chiots, qui eux-mêmes doivent apprendre à communiquer correctement, pourraient évoluer dans le bon sens en étant confrontés qu’à des chiots de leur âge ?
C’est pour cela que, lors de rencontres entre chiots, il faut d’autant plus observer les interactions et ne pas hésiter à intervenir si besoin (séparer, rattacher…)
Aurions-nous l’idée de laisser nos enfants en garderie ou à l’école sans surveillance, en espérant qu’ils se montrent tous polis et respectueux ? Non, on compte sur des adultes référents pour superviser tout ce petit monde
De plus, les chiots maîtrisent souvent mal les signaux de communication et ont donc des difficultés à communiquer leur envie d’arrêter le jeu ou à comprendre les demandes d’arrêt de leurs congénères.
Pour le chiot qui veut arrêter de jouer sans être compris, cela peut être traumatisant car son camarade du même âge continuera de l’embêter malgré ses demandes : Petit bébé risquera donc de devenir réactif, de peur de se faire harceler, ou parfois de devenir lui-même harceleur.
Pour le chiot qui n’arrive pas à comprendre les demandes d’arrêt de jeu, c’est à la création d’un futur harceleur que l’on assiste, qui embêtera les autres chiens jusqu’à ce qu’ils cèdent ou se montrent agressifs. Il n’apprendra pas à gérer sa frustration dans les interactions.
Enfin, la majorité des chiots que l’on pourrait mettre ensemble aura tendance à vouloir jouer, sans se poser de limites claires (comme évoqué ci-dessus).
Dans ce contexte et si bébé chien ne rencontre en majorité que d’autres bébés chiens, il risque d’apprendre que les autres chiens ne sont que des compagnons de jeu, pas des compagnons de balade.
Voir un chien voudra forcément dire jouer avec lui, avec la montée d’excitation qui suit. Et si ce chien ne désire pas jouer, notre chiot risquera de ne pas supporter ce refus et d’avoir du mal à gérer sa frustration. A nouveau, on prend le risque de créer un chien harceleur.
Évidement, ne faire rencontrer que des chiots au votre ne veut pas forcément dire que tout ce qui est écrit dans cet article se réalisera. Mais c’est se tirer une balle dans le pied et prendre le risque que notre toutou n’apprenne pas correctement les codes canins, voire qu’il communique très mal à l’âge adulte ou qu’il se sente mal à l’aise auprès de ses congénères
L’idéal est donc de plutôt rencontrer des chiens adultes, bien codés, qui sauront dire stop sans être brusque ou respecter les demandes d’arrêt de notre chiot. Une bonne rencontre entre chiens ne doit pas forcément comporter une partie de jeu, voire pas du tout même ! Se promener avec un congénère, renifler après lui, à se croiser sans s’embêter, se faire comprendre et être compris… C’est ça une bonne interaction.
Et puis une rencontre avec un chien de son âge de temps en temps pour une belle partie de jeu, ce n’est nullement un problème ! Tant que l’on surveille
Lorsque votre chien présente un nouveau comportement problématique de façon soudaine, il convient de se poser les bonnes questions
Ses habitudes ont-elles changé ?
Vous pourriez avoir un nouveau travail, donc de nouveaux horaires. Un nouvel animal a peut-être rejoint le foyer, ou un enfant a agrandi la famille. Ce sont de nouvelles odeurs et de nouvelles habitudes de vie.
Son lieu de vie a-t-il été chamboulé ?
Cela peut être un déménagement, tout comme une modification de son espace de vie. Un lieu de repas qui change, un panier déplacé, un nouveau meuble… Parfois il ne faut pas grand chose pour perturber un chien sensible à son environnement.
Ses rituels sont-ils respectés ?
Certains chiens (la majorité même) ont besoin de rituels, de routine qui les rassurent. L’heure de repas, des promenades, des absences. Tout ceci est un cadre qui rend le monde du chien prévisible pour lui.
A-t-il vécu un évènement traumatisant ?
Votre chien s’est peut-être fait attaquer par un congénère. Ou peut-être a-t-il eu peur d’un son soudain. Ou, de façon plus générale, votre chien commence peut-être son adolescence. C’est un évènement marquant bon nombre de changements comportementaux chez le chien. Ou encore dans le cas d’une chienne, ses chaleurs peuvent engendrer une modification comportementale.
Rien n’a changé dans votre mode de vie ou ses habitudes ? Vous ne comprenez donc pas le changement d’attitude de votre chien ?
Dans ce cas, la meilleure chose à faire est de prendre rendez-vous chez le vétérinaire !
En effet, ce changement comportemental peut être causé par une douleur : Personne n’est bien dans sa tête si le corps ne suit pas !
Le chien peut donc être moins patient, avoir associé la douleur à quelque chose dans son environnement, avoir peur d’avoir mal s’il se fait approcher ect.
La douleur peut créer des réactions impressionnantes, même chez le chien le plus doux du monde.
La malpropreté peut aussi avoir une cause médicale, peu importe l’âge du chien.
Ou, pour citer un autre exemple, la chute hormonale causée par la stérilisation peut aussi avoir une influence sur le comportement de votre chien.
On m’appelle souvent pour résoudre une problématique de “mauvais comportement”. Le chien aboie, tire en laisse, grogne, est malpropre ect
La question est souvent de “comment faire cesser ce comportement ?”, très (trop) rarement de “pourquoi mon chien fait-il ce comportement ?”.
On veut supprimer le comportement, la finalité, l’expression.
Pas la raison qui pousse le chien à agir de la sorte
En effet, tous les comportements, sans la moindre exception, ont une raison d’être.
Ils sont la conséquence d’un besoin, d’une envie, d’un état d’esprit.
Les “mauvais” comportements peuvent résulter d’une émotion, d’une gêne, d’une douleur, d’une maladie, d’un renforcement par l’environnement ou l’humain ect.
Travailler sur le comportement en lui-même sans en chercher sa cause revient à ignorer le chien en tant qu’être vivant conscient, à ignorer ses émotions.
On exige sans prendre en compte son ressenti
Le risque, c’est d’éteindre le chien, ou qu’il s’exprime encore plus fort suite à cela.
Par exemple, mon chien grogne si je m’approche de sa gamelle. Il y a une raison à cela. Mais si je veux uniquement supprimer les grognements, je peux forcer ma présence (gentiment ou non) jusqu’à ce qu’il m’accepte. Mettre la main dans la gamelle, ou gronder s’il grogne.
En fonction de la personnalité de mon chien, il peut se passer deux choses :
Soit il va “s’éteindre”, ne plus grogner, de peur de se faire disputer ou ayant compris que ça ne servait à rien. Le chien n’est pas moins stressé en notre présence, il prend sur lui. C’est ce que l’on appelle la détresse acquise.
Soit, dès les premiers essais ou après des semaines, des mois ou des années à prendre sur lui, la fois de trop va arriver. Ses limites vont être atteintes et, ayant compris qu’il n’était pas écouté s’il grognait, mon chien va passer à la morsure.
C’est comme ça qu’il y a des accidents tous les ans d’une morsure d’un “chien qui n’aurait jamais fait de mal à une mouche”. Au lieu de comprendre la raison de son comportement, on l’a poussé à bout sans prendre en considération son émotion, jusqu’à ce que ce soit trop pour lui.
Alors comment travailler les mauvais comportements de son chien tout en le respectant ?
Et bien, en se concentrant sur l’émotion, pas sur le comportement
Par exemple, lorsque je travaille un chien réactif : Son comportement est d’aboyer ou charger ses congénères. Son émotion peut être la frustration, la colère, la peur.
Admettons que petit chien a peur des autres et leur aboie dessus pour leur dire “va-t-en, ne t’approche pas”. Le comportement est la conséquence de son émotion. Si je lui apprend à arrêter d’aboyer, il ne va pas avoir moins peur pour autant
Alors que lui apprendre à gérer ses émotions et mieux, à faire disparaître sa peur progressivement, fera forcément disparaître également les comportements de réactivité par peur. On obtient petit à petit un chien capable d’observer ses congénères, puis de s’en détourner
A chaque comportement qui nous embête, demandons-nous toujours “pourquoi ce comportement est-il exprimé ?” plutôt que “comment le faire cesser ?”
Le grognement est un moyen de communication normal.
Non, un chien qui grogne n’est pas “méchant” ou “capricieux”. Il communique, rien de plus.
Dans une séquence comportementale normale face à une situation difficile pour le chien, celui-ci va d’abord émettre des signaux d’apaisement (regarder de côté, se lécher la truffe, cligner des yeux ect). Ces signaux peuvent être grossièrement traduits par “je ne me sens pas à l’aise dans cette situation”. Si ces signaux ne sont pas écoutés et qu’il ne peut pas s’éloigner, le chien va naturellement devoir parler plus fort : Grogner.
Quelques exemples :
Lors d’une rencontre entre chiens, Médor commence a en avoir assez que son camarade joue trop brutalement. Il va donc faire moults signaux d’apaisement pour signifier qu’il souhaite faire une pause dans le jeu. Si ce dernier ne l’écoute pas, Médor grognera pour mieux se faire entendre.
Médor est en train de manger dans sa gamelle et quelqu’un s’approche de lui. Souhaitant manger tranquillement, il effectue des signaux d’apaisement pour signifier à la personne de s’éloigner. Si cette dernière ne l’écoute pas, Médor grognera pour mieux se faire entendre.
Un chien qui grogne n’est pas un chien “méchant”, bien au contraire ! C’est justement parce qu’il ne veut pas en arriver à la morsure qu’il prévient que ses limites vont bientôt être dépassées.
Un chien qui souhaite mordre (et encore, être poussé à bout ou être dans un état de stress intense n’est jamais un souhait) n’a pas besoin de grogner. Il ouvre la gueule et la referme sur ce qui souhaite mordre, c’est tout.
Grogner signifie donc “éloigne-toi, arrête ou laisse-moi tranquille, je suis bientôt à bout et si tu ne m’écoutes pas je devrai me faire comprendre plus durement”.
C’est pourquoi il ne faut JAMAIS disputer le grognement, ni l’ignorer. C’est la meilleure façon de se faire croquer.
Si votre chien comprend que grogner de sert à rien (voire que cela lui apporte un inconfort de plus, comme être disputé, menacé ect), et bien… Il va arrêter de grogner ! Bah oui, pourquoi s’embêter à prévenir ?
Justement, il ne va plus prévenir. Et c’est pourtant tout l’intérêt du grognement ! Un chien qui ne grogne plus risque donc de mordre sans prévenir. Et ça, c’est très, très dangereux.
Si le chien fait moins de signaux d’apaisement (certains sont involontaires, d’autres non) et ne grogne plus, il devient très difficile d’anticiper son mal-être. Et donc une catastrophe…
Alors que faire quand son chien grogne ?
On recule lentement, on fait comprendre au chien qu’on l’écoute.
Mais surtout, on se demande POURQUOI il en est arrivé à grogner : Peut-être que je n’ai pas remarqué ses signaux ? A-t-il une douleur ? Dois-je travailler la protection de ressource ? Était-il acculé ?
Selon la réponse, il sera important de travailler ce qui a posé problème : Faire du medical training pour accepter les soins, rendre super cool le fait qu’un humain passe près de la gamelle, apprendre aux enfants ou invités le respect de l’espace du chien ect.
Petite parenthèse pour finir : Je suis parfois confrontée à des personnes qui malgré tout m’affirment que leur chien “n’a pas à me grogner dessus, c’est moi qui décide”. Si vous voulez d’un être qui se plie à toutes vos demandes sans broncher et sans vous faire part de son état émotionnel, achetez un robot ou une peluche 😉
Il ne s’agit pas ici d’accepter que son chien communique en grognant, mais de respecter son intégrité et ses émotions pour que cela n’arrive jamais !
L’adolescence chez le chien commence entre 6 et 8 mois et se termine entre 12 et 18 mois en fonction des races. Plus une race est grande, plus sa croissance va se faire lente. Les races géantes comme le terre-neuve peuvent finir leur phase pubertaire vers 2 ans !
C’est une phase bien souvent très difficile pour le chien comme pour ses humains à cause de changements hormonaux causant à leur tour des changements comportementaux.
Ce n’est pas pour rien que la majorité des chiens que je suis amenée à éduquer sont dans cette tranche d’âge.
Nous allons voir ensemble à quels changements votre petit chiot doit faire face durant son adolescence, d’abord pour pouvoir comprendre votre loulou et surtout pour l’aider au mieux à grandir sereinement !
Premièrement, votre chien grandit ! Pourtant, dans sa tête, c’est encore un petit zouave qui ne contrôle donc pas sa nouvelle force. On remarque que les adolescents deviennent plus brusques, qu’ils sont plus attirés vers leurs congénères, qu’ils écoutent moins et sont plus indépendants. On a l’impression qu’ils deviennent “excessifs” : Ils se frustrent facilement et le font savoir.
Tout cela est normal et est lié (entre autre) à la maturité sexuelle. En effet, les mâles sont en recherche de demoiselles et ces mesdames ont leurs premières chaleurs.
Votre petit chiot est maintenant un ado et cherche sa place dans le groupe social si vaste et complexe que sont les autres chiens.
Ses besoins en activités physiques et mentales augmentent : Ce n’est plus le petit bébé qui se fatiguait en 20 minutes de balade et qui dormait le reste de la journée. C’est à vous d’adapter ses activités à son âge.
On peut progressivement lui proposer des balades un peu plus longues où on le laissera renifler autant qu’il le veut. Mais surtout, on va lui proposer des objets à mâchouiller, à lécher ou à renifler afin de l’aider à se dépenser calmement.
En effet, le piège avec notre adolescent est de vouloir le fatiguer physiquement le plus possible, sans jamais lui apprendre à s’occuper à la maison, à rester calme, à ne rien faire. Voir mon article “Activités physiques et mentales”.
Votre chien n’est pas encore un adulte. Autrement dit, il continue d’évoluer, tant physiquement que mentalement.
Ainsi, comme évoqué plus haut, notre ado devient plus excessif. On le compare aisément à une petit tornade qui va surréagir à la moindre modification dans son environnement.
En soi, cela n’est pas faux : Ses émotions sont exagérées et plus difficiles à contrôler car ses neurones inhibiteurs (régulent les émotions) arriveront à maturité à la fin de l’adolescence. Il est donc normal que votre loulou ait tant de mal à se contrôler.
Durant cette phase pubertaire, on peut parfois observer une nouvelle “phase de peur”. Certaines choses autrefois tolérées par le chiot le font désormais réagir (joggeurs, voitures, autres chiens ect).
Cela est à nouveau lié aux émotions plus difficiles à contrôler, ainsi qu’à une modification du contrôle de la mémoire et des capacités d’apprentissages. Votre chien ne devient pas plus bête, bien entendu, mais nous pourrions dire pour imager qu’il fonctionne plus avec ses émotions.
C’est pourquoi une attaque de chien durant cette période est d’autant plus traumatisante.
La phase pubertaire est d’autant plus importante que si les problèmes rencontrés ne sont pas travaillés (rappel, début de réactivité ect) et bien ils s’installent !
J’ai encore beaucoup de clients qui ont malheureusement attendu que le problème se règle de lui-même et qui finissent par m’appeler parce qu’au contraire, il a empiré.
Évidement, tout est “travaillable” et chaque chien pris en charge va progresser. Mais on s’épargnerait tous beaucoup de temps et de stress en accompagnant son chiot dès son arrivée, puis en l’aidant à traverser sereinement la puberté.
Ce suivi naturel parfait de votre chiot ? Récompensez-le ! En effet, rien n’est acquis et si petit bébé remarque que le fait de vous suivre ou de vous regarder n’est pas intéressant, il y a un grand risque qu’il ne le fasse plus du tout en étant adolescent, lorsque l’environnement et les congénères deviendront plus importants à ses yeux.
Récompensez donc absolument tout ce qui est précieux à vos yeux : Une attention, une marche en laisse, un croisement nickel ect, même si à cet âge cela lui semble “facile”, c’est un investissement dont vous serez heureux à son adolescence 😉
La détresse acquise est un très joli mot pour désigner quelque chose de vraiment pas joli du tout.
Cela désigne, pour un être vivant, le fait de se résigner, de ne plus chercher de solution, d’accepter son sort.
Imaginons que je vous enferme dans une petite pièce remplie de grosses araignées (ou souris, serpents, à votre convenance). Vous allez certainement paniquer, tenter de fuir, essayer de les écraser ect. Mais au bout d’un certain temps, vous allez finir par vous résigner, ayant compris que quoi que vous fassiez, vous n’alliez pas sortir de cette pièce.
Face à la peur, votre cerveau n’a d’abord que deux options : La fuite (essayer de sortir de la pièce, courir partout…) et l’attaque (écraser les araignées, essayer de leur faire peur…).
Mais vient également la troisième option : La détresse acquise. Vous avez tout tenté, tout essayé, mais rien ne fonctionne. Votre cerveau s’éteint, vous n’êtes plus capable de rien, vous n’essayez même plus de trouver une autre solution.
C’est une situation terrible car si la situation est répétée, en plus du traumatisme que cela peut causer, l’individu généralisera ce sentiment d’impuissance à d’autres situations problématiques. A la moindre douleur, au moindre stress, il n’essaiera plus de s’en sortir.
Malheureusement, nos chiens sont très souvent confrontés à la détresse acquise lors qu’ils sont éduqués en méthode coercitive. Voici quelques exemples :
Votre chien a peur des autres chiens. Cela peut être dû à une mauvaise socialisation, une attaque ou tout simplement qu’il préfère sa tranquillité. Voilà que, justement, vous croisez un toutou en promenade : Votre chien ne peut pas fuir puisqu’il est attaché. Sa seule défense est donc l’attaque afin de faire fuir ce qui lui fait peur. Il aboie, charge le chien d’en face et la situation est invivable pour tous.
Un éducateur en coercitif placera votre loulou en collier étrangleur et lui prodiguera un coup de sonnette (tirer violemment sur la laisse) dès lors qu’il essaiera d’attaquer un autre chien.
Votre chien ne pouvant ni fuir en étant attaché, ni éloigner l’autre chien en aboyant ou en chargeant, se placera automatiquement en détresse acquise. Fuir et attaquer ne servent à rien, il s’éteint et se résigne à devoir supporter la présence des autres chiens malgré son stress intense.
En l’apparence, votre chien est rééduqué. Mais pour lui, c’est simplement l’enfer.
Votre chien aboie continuellement, soit par manque d’activité, soit pas stress, soit pour obtenir votre attention. La situation devient invivable et vous faites appel à un éducateur qui vous propose de mettre un collier électrique ou à la citronnelle à votre chien. A chaque aboiement, le malheureux se prendra une décharge ou un jet à l’odeur très forte, juste sous la truffe (dois-je vous rappeler le sens de l’odorat très développé du chien, imaginez ce qu’il doit ressentir…).
Incapable de fuir ce qui lui provoque de la douleur, votre chien se placera en détresse acquise. Certes il n’aboiera plus, mais à quel prix ? Le stress est toujours présent, mais il ne peut pas l’exprimer autrement (personne ne lui a appris !).
En l’apparence, votre chien est silencieux. Mais pour lui, un stress ne pouvant pas s’évacuer est la porte ouverte à l’auto-mutilation, aux TIC et comportements répétitifs.
L’éducation canine en méthode coercitive regorge de techniques pour mettre votre chien en détresse acquise. Analysez bien les conseils que certaines personnes peuvent vous donner. Parfois, il s’agit juste de faire souffrir son chien jusqu’à ce qu’il arrête de se défendre…
Attardez-vous sur la cause du comportement plutôt que sur le comportement lui-même : Manque d’activité ? Stress ? Demande d’attention ? Peur ? Travailler la conséquence sans en comprendre la cause revient à infliger un stress voire une souffrance inutile à votre chien.
“Il sait qu’il a fait une bêtise.” J’entends cette phrase assez souvent lors de mes études de comportement, généralement suivie de “il fait sa tête de coupable”.
Cet article fait suite à un précédent article nommé “Non ne veut rien dire” dans lequel nous avions vu que disputer son chien ou lui crier “non” n’arrangeait pas vraiment les mauvais comportements. Aujourd’hui, nous allons nous demander pourquoi, malgré le fait que le chien ne comprenne pas pourquoi il se fait disputer, il fait tout de même une “tête de coupable” (notez bien la présence des guillemets).
Avant toute chose, il faut savoir que votre chien n’a pas la notion d’avoir fait une bêtise. Sa morale est différente de la notre alors comment pourrait-il faire la différence entre le bien et le mal de notre point de vue ? La moralité dépend de chaque personne, de sa culture et de son vécu, alors comment une espèce aussi différente de la notre pourrait-elle partager nos valeurs ?
Pour un chien, faire ses besoins à l’intérieur n’est pas mal en soi, c’est juste… Faire ses besoins en intérieur, point. Tout comme manger une pantoufle ou piquer un bout de gâteau. C’est devant lui, à disposition et Médor est un animal opportuniste : Si l’action lui apporte du plaisir ou soulage un besoin, il va avoir tendance à recommencer.
Une bêtise de notre point de vue est donc un comportement tout à fait normal pour le chien. Il ne s’agit que d’une action, la valeur “bien ou mal” c’est nous qui l’apposons dessus.
Mais revenons à notre “tête de coupable”. Cela fait plus de 15 000 ans que les chiens vivent à nos côtés. Durant ces millénaires, ils ont été sélectionnés pour leurs aptitudes de travail (chasse, poursuite, garde…) mais aussi sur leur pure apparence physique.
Les chiens sont devenus de plus en plus expressifs : Une étude a démontré qu’un muscle supplémentaire s’est développé au dessus de l’œil du chien durant sa domestication (lien en commentaire). Ce muscle, inexistant chez le loup, permet à Médor de soulever beaucoup plus intensément ses sourcils et donc, inconsciemment mais sélectionné par l’Homme, d’être plus attendrissant. La capacité de pouvoir faire une expression très démonstrative dont celle qualifiée de “tête de coupable” a donc été sélectionnée par l’Homme.
Au fil de la domestication, les chiens ont également appris à reconnaître très rapidement et avec une extrême précision les expressions humaines. Une autre étude (lien toujours en commentaire) a pu mettre en évidence que les chiens parvenaient particulièrement bien à distinguer une expression de colère d’une expression de joie, l’une associée à du négatif et l’autre à du positif. Les chiens peuvent donc communiquer avec nous et nous lire très facilement, mais l’inverse est-il aussi vrai ?
C’est donc l’heure de parler des signaux d’apaisement. Les signaux d’apaisement sont des signaux que va faire le chien pour s’apaiser lui-même (lorsqu’on souffle un bon coup pour se détendre), apaiser le chien ou la personne en face de lui (éviter/désamorcer un conflit ou indiquer qu’il veut une pause) ou lors de rencontre avec un autre chien pour se présenter poliment. Il peut s’agir de bailler, de regarder du coin de l’oeil (blanc de l’oeil visible, également appelé oeil de baleine), de se lécher la truffe, de se secouer, de tourner la tête, se mettre sur le dos… Notez comme pas mal de ces signaux se retrouvent dans notre fameuse “tête de coupable”.
Je n’ai nommé que les principaux, mais tapez simplement “signaux d’apaisement” sur votre moteur de recherche préféré pour en découvrir toute la complexité. Tous les chiens font des signaux d’apaisement, peu importe leur éducation ou leur race (le physique de certaines races les rendent cependant plus durs à observer).
Néanmoins, certains chiens ont malheureusement appris que leurs signaux n’étaient jamais écoutés et en font donc moins que les autres. D’autres ont été séparés trop tôt de leur mère et n’ont donc pas appris à les utiliser correctement ou à les repérer chez les autres chiens. Cependant, certains signaux restent des réflexes que le chien ne contrôle pas.
Ces signaux d’apaisement sont très importants à connaître car ils vous préviennent que votre chien se sent mal à l’aise ou est stressé. Les connaître peut donc prévenir des morsures (si le chien est écouté dès les premiers signaux, il n’aura pas besoin de mordre pour s’extirper d’une situation stressante), améliorer votre relation avec votre toutou en lui montrant que vous le comprenez ou mieux gérer les interactions canines en étant capable de voir lorsque votre chien veut stopper le jeu.
Un chien faisant une “tête de coupable” ne se sent donc pas coupable, il cherche juste à apaiser un conflit parce que vous êtes visiblement en colère. Votre énervement, injustifié pour lui, provoque donc du stress et une incompréhension de sa part, ce qui détériore votre relation.
Mais alors, pourquoi certains propriétaire de chiens me disent donc : “je sais qu’il a fait une bêtise avant même de la voir, ça se voit à sa tête” ? Le chien ne se fait pas encore disputer, pourquoi aurait-il une “tête de coupable” dans ce cas ?
Et bien parce que votre chien a associé les CONSÉQUENCES d’une “bêtise” (poubelle renversée, canapé déchiqueté…) à votre énervement, pas l’ACTION en elle-même. Pour lui, ce n’est pas le fait de fouiller dans la poubelle qui provoque votre colère, mais le fait qu’elle soit renversée. Ce n’est pas mâchouiller votre magnifique canapé, mais le fait que la mousse soit étalée au sol.
Pour prouver cela, plusieurs études ont été menées et résumées dans un document PDF que vous trouverez dans les commentaires. Je vais cependant résumer deux études (une de 1977 et une de 2009) ici :
– Une chienne prénommée Nicki avait l’habitude de déchiqueter des papiers en l’absence de son maître puis se faisait disputer à son retour pour sa bêtise. Lors de l’étude, il a été demandé au maître de déchiqueter du papier avant son départ et de le mettre dans la même pièce que sa chienne avant de partir. A son retour, Nicki affichait un comportement de chien se sentant coupable alors que ce n’était pas elle qui avait déchiqueté le papier. Elle avait donc associé la PRÉSENCE du papier à la dispute, pas à l’ACTION de la destruction. C’est le fait d’avoir été grondée précédemment qui a créé chez Nicki ce comportement “coupable” face à son maître (une multitude de signaux d’apaisement pour éviter le conflit, comme nous l’avons vu plus haut).
– Dans une seconde étude, il a été demandé aux maîtres de poser de la nourriture sur une table, demander au chien de ne pas y toucher et de quitter la pièce. Certains chiens obéissaient, d’autres non. Au retour du maître, on disait alors si le chien avait respecté leur ordre. Sauf que… On mentait à certains. Des chiens qui avaient obéi étaient alors qualifiés de voleur et étaient disputés. Ils affichaient alors leur “tête de coupable”, prouvant ainsi que c’est bien le fait d’être disputé qui déclenche “l’air coupable” et non pas la désobéissance ou la bêtise commise. N’hésitez pas à lire le document PDF mis en commentaire pour creuser ce sujet.
Votre chien ne comprend donc pas pourquoi il se fait disputer et effectue des signaux d’apaisement (que l’on qualifie à tort de “tête de coupable”) afin d’apaiser le conflit. Mais que se passe-t-il si les réprimandes arrivent trop souvent ? Que les signaux d’apaisement ne sont ni compris ni écoutés ?
La punition est une source immense de stress pour nos loulous. Sans en comprendre la raison, ils se font crier dessus, disputer ou isoler. L’incompréhension et la sensation de n’avoir aucun contrôle sur la situation va provoquer du stress, libérant des hormones (cortisol) qui vont augmenter les réactions agressives ainsi que leur intensité.
Certains chiens, naturellement plus résilients et patients, pourront supporter toute leur vie ces attaques incompréhensibles sans jamais se défendre. Mais pour d’autres, il suffit d’une fois de trop pour que le chien finisse par en avoir marre et se défende. Il s’agira de grognements pouvant aller jusqu’à une morsure. Outre cela, le stress engendré par les punitions répétées va diminuer la concentration et les capacités d’apprentissage du chien et augmenter sa réactivité. Il passe en mode survie, réagissant plutôt que réfléchissant.
Disputer son chien n’a donc aucun intérêt pédagogique. Cela ne lui apprend rien, le stresse et détériore votre relation. A la place, c’est à nous d’anticiper, de gérer l’environnement, d’apprendre de nouvelles compétences et comportements alternatifs à son chien et détourner l’attention lors de situations imprévues (voir l’article “non ne veut rien dire” pour développer ce sujet). “L’air coupable” n’est qu’une construction de notre point de vue humain. Nous donnons des intentions irréelles aux chiens qui ne cherchent qu’à communiquer leur malaise.