J’ai récemment lu dans le post d’un autre éducateur qu’amener un chien au marché était une étape nécessaire. Dans ce cas de figure plus précis, on parlait d’un chien de Roumanie (peureux ++, peur de l’humain).
Quiconque est familier avec le principe d’immersion et de détresse acquisesait à quel point travailler un chien de la sorte est une énorme erreur.
Mais j’aimerai plutôt me pencher sur le terme d’étape nécessaire.
Dans quel monde serait-il nécessaire de pouvoir amener son chien au marché ?
Rappelons ce qu’est le marché, du point de vue de Médor :
C’est un endroit hyper-stimulant pour touts ses sens. Des odeurs de nourriture, de tas de personnes. Olfactivement, c’est une bombe. Il y a beaucoup de bruit, des discussions, des vendeurs qui attirent les acheteurs. Certaines personnes vont vouloir lui parler, le toucher. Il va certainement se faire bousculer par accident. Et tout ce qu’il peut voir, c’est une marrée de genoux.
Ça vend du rêve…
Bon, si cette simple exposition ne suffit pas à nous dire que ce n’est pas *du tout* un endroit où notre chien sera heureux, continuons.
Votre chien risque d’être touché sans son consentement.
“Oh qu’il est joliii, dis bonjour !” Et hop votre toutou subit une main posée sur sa tête, souvent par surprise. Il est peut-être patient, cette fois. Jusqu’à la fois de trop où il dira clairement “non” : grognement, coup de dent, aboiement ect, ce qui le qualifiera de “chien méchant” puisqu’un chien n’a jamais le droit de dire non.
Et voilà une superbe méthode pour rendre notre chien réactif aux humains : Lui montrer qu’il faut s’en méfier et les tenir à l’écart, parce qu’ils essaient parfois de le toucher.
Dans le cas d’un chien déjà peureux, c’est aussi risquer la morsure du chien qui n’aura plus que ce moyen pour dire “non”, poussé à bout.
Votre chien réactif ou peureux est placé en immersion.
L’immersion, c’est placer un individu apeuré par un stimuli au beau milieu de ces mêmes stimulus. Le but serait qu’il “comprenne” que ce qui lui fait peur ne lui fera pas de mal.
En théorie, c’est top. En pratique, si vous avez peur des araignées, je vous place dans une petite pièce en étant remplie.
Vous allez paniquer, hurler, chercher à les écraser peut-être (comme un chien terrifié chercherait à fuir ou à mettre à distance). Puis, ayant compris que la porte de la pièce ne s’ouvrirait pas, vous entreriez en détresse acquise, ou impuissance acquise. D’apparence, vous seriez calme, à l’intérieur, vous seriez résigné. La peur est toujours là, mais votre cerveau vous “éteint”.
C’est une situation terrible car si la situation est répétée, en plus du traumatisme que cela peut causer, l’individu généralisera ce sentiment d’impuissance à d’autres situations problématiques. A la moindre douleur, au moindre stress, il n’essaiera plus de s’en sortir.
Bref, l’immersion peut provoquer cette fameuse détresse acquise que les éducateurs en coercitif recherchent parfois même sans le savoir. Le chien ne réfléchit plus, il subit silencieusement.
Placer le chien dans une situation aussi stressante et stimulante ne lui permet pas de faire des apprentissages.
De cette sortie, il n’apprend rien (si ce n’est à se méfier, voir plus haut) puisque son cerveau est en mode “survie”. Il canalise ses émotions et cherche une porte de sortie.
C’est souvent pour cela que les chiens rééduqué “à la dure” vont bien se comporter durant la séance, mais repartir dans leur réactivité les fois suivantes.
Pouvoir amener son chien au marché n’est nécessaire pour personne, et surtout pas pour le chien.
Il n’y a rien de positif à en retirer, excepté à la rigueur pour l’égo de l’humain qui pourrait se dire “moi mon chien va partout”.
Tout le monde adopte son chien avec un rêve en tête : “on pourra l’amener partout”.
Cela dit, travailler aux alentours du marché peut être un bon axe de travail.
Mais en respectant la distance de confort de votre chien.
On pourra donc travailler dans des rues adjacentes, avec moins de monde et des possibilités de s’éloigner facilement.
On pourra s’approcher petit à petit de la foule, sans jamais aller au centre du marché pour se prouver que notre chien peut “supporter” le monde. Car ce n’est pas respecter son intégrité physique et émotionnelle.
En conclusion, emmener son chien au marché (ou n’importe quel lieu densément fréquenté) n’est ni une nécessité, ni même une bonne idée.
Et si un éducateur vous dit que tel ou tel apprentissage est nécessaire, demandez-vous toujours pourquoi ? Pour qui ? Quel est le processus d’apprentissage ? Quelles émotions provoquera-t-il ?
Certains ont peut-être déjà entendu parler de la méthode de la canette. Pour les autres, voici ce que c’est :
Il s’agit de remplir une canette de petits cailloux afin qu’elle fasse du bruit lorsqu’on la secoue Le but est ensuite de la secouer lorsque notre chien fait un mauvais comportement. Le bruit soudain lui fait peur , il arrête son comportement et éventuellement apprend que ce comportement apporte quelque chose de négatif. Dans la logique des choses, la fréquence d’apparition du comportement diminue
Notons qu’il s’agit exactement du même principe que le choc du collier électrique : Quelque chose de désagréable est ajouté sans que le chien ne sache d’où il vient. A la rigueur on enlève le risque de brûlure sur la peau…
Si vous êtes adeptes de l’éducation positive ou avez déjà lu certains de mes articles, vous comprenez rapidement ce qui ne va pas. Détaillons donc cela, avec à chaque fois le lien vers l’article qui développe plus le sujet.
La canette agit sur le comportement, pas sur la cause de celui-ci
Un comportement est issu d’une émotion ou d’un besoin. Le stopper sans proposer au chien autre chose à faire pour combler son besoin ou sans comprendre l’émotion derrière le comportement est inefficace.
Puisque la cause du comportement est toujours là (stress, manque d’activité, ennui ect), ce n’est qu’une question de temps avant qu’il réapparaisse ou que le chien trouve une autre façon de se satisfaire. Ok le chien vient d’arrêter de mâchouiller votre pantoufle, mais la raison pour laquelle il le faisait est toujours là
Soit il va recommencer lorsque vous aurez le dos tourné, soit il trouvera autre chose à mâchouiller (et pas forcément ce qui vous fait plaisir…).
Pour en apprendre plus sur pourquoi il faut agir sur la cause du comportement et pas le comportement en lui-même, c’est par ici !
La canette peut créer une association négative
Si je veux que mon chien ne saute pas sur les invités en utilisant cette technique, je vais secouer la canette lorsqu’il effectue le mauvais comportement. Toutou saute sur un invité, le bruit lui fait peur, il s’arrête. Bien.
Il peut finir par en avoir peur, fuir ou au contraire les attaquer. Voulez-vous vraiment prendre ce risque ?
La canette n’apprend rien au chien
Et bien oui : Le chien va stopper son comportement par surprise ou peur, et après quoi ? A part le risque de créer une association négative, qu’apprend le chien sur votre souhait ?
Stopper le comportement sans proposer au chien de quoi combler son besoin ne l’aide absolument pas à progresser. On est donc dans une voie sans issue
Le mieux ne serait-il pas de directement proposer quoi faire au chien, sans même lui faire peur ? Rappelons que Toutou ne parle pas français et qu’il ne peut pas deviner par magie ce que vous attendez de lui. Alors plutôt que d’agiter la canette lorsqu’il mâchouille la pantoufle, puis les pieds de table, puis de tapis (ect), autant renforcer directement le comportement souhaité !
La canette peut créer un stress chronique ou au contraire une habituation
Si vous avez un loulou plutôt sensible ou déjà anxieux, provoquer un bruit terrifiant sortant de nulle part ne risque pas de le rendre plus serein. Pour la même raison que le “non” ne veut rien dire, votre chien ne va pas forcément comprendre que le bruit sert à le dissuader d’effectuer un comportement. Tout comme des disputes incessantes, votre chien risque de perdre confiance en lui (et en vous) et finir par ne plus oser faire quoi que ce soit
Mais dans le cas contraire, votre loulou peut tout aussi bien s’habituer au bruit de la canette et finir par ne même plus sourciller. Quelle sera donc nos options ? Faire toujours plus de bruit, passer au collier électrique, faire plus mal ? Encore une fois une voie sans issue
La canette n’est pas éthique
Enfin, il est du devoir de chacun de se demander si nous souhaitons sincèrement que notre chien apprenne par la peur. Il existe bien d’autres façons de se faire comprendre sans qu’une émotion négative n’entre en jeu. Oui l’éducation positive prend plus de temps (et encore), mais le résultat est plus durable et obtenu en respectant son chien
Bref, avant d’utiliser tel ou tel objet, telle ou telle méthode, il est important de se demander quel levier est utilisé. Quelle émotion va-t-on susciter, que cherche-t-on à modifier (émotion ou comportement), qu’est-ce que le chien va apprendre ect ? Oui ça marche, mais ce n’est pas parce que quelque chose fonctionne que c’est une bonne chose
Vous vous asseyez dans votre canapé et Toutou vient s’allonger contre vous. Automatiquement, on a envie de le caresser. Après tout, il vient pour ça, non ?
Certains chiens n’aiment pas être touchés, caressés, embrassés, cajolés
Pourtant, ils restent à vos côtés parce qu’ils apprécient votre présence. Parfois, ils prennent sur eux lors des câlins initiés par leur humain, un mal pour un bien.
Comment savoir si mon chien veut être câliné ?
Rien de plus simple : Il vous suffit de faire un “test de consentement” !
Kézaco ?
Quand Toutou vient vers vous, caressez-le doucement quelques secondes (en évitant la tête, peu de chiens apprécient). Puis arrêtez simplement.
Toutou en redemande ? C’est qu’il est ok pour un max de câlins ! L’avantage, c’est que nos chers amis savent très bien se faire comprendre.
Toutou reste proche de vous mais n’initie pas plus d’interaction ? Il préfère sans doute être tout simplement à vos côtés, sans être touché
Les tests de consentement peuvent être réalisés régulièrement pendant les séances câlins/bisous/caresses. Ils ne prennent que quelques secondes et peuvent pourtant aider votre chien à se sentir plus à l’aise à vos côtés.
Les chiens ne sont pas des peluches, ils ont le droit de ne pas aimer être touché ni même caressé
C’est malheureusement ce à quoi sont parfois confrontées les familles adoptant un chien pour créer une belle amitié avec leur enfant. Manque de chance, elles se retrouvent avec un chien qui n’aime pas trop la proximité. Ce n’est pas grave, il y a pleins d’autres façons de passer des bons moments avec notre compagnon !
Il est important de respecter son caractère et ne pas s’imposer, ne serait-ce que par sécurité.
Ce n’est pas parce que votre chien ne veut pas être touché qu’il ne vous aime pas, évidement
Déjà, parce qu’il n’irait pas à vos côtés s’il n’en avait pas envie (c’est encore l’occasion de rappeler qu’on ne va pas embêter un chien dans son panier. Si on veut une interaction, on l’appeler et il viendra s’il en a envie).
Mais bien sûr, on peut apprécier une personne sans avoir envie de contact physique avec elle ! Certains humains ne sont pas très tactiles, d’autres hyper câlins, et c’est complètement ok
Votre chien peut apprécier votre présence rassurante, votre chaleur, votre odeur. Il peut se sentir plus en sécurité avec vous ou tout simplement passer un moment en étant proche de son humain favori.
J’ai connu des chiens “râleurs” au pincement facile (traduisons : chiens tellement agacés et incompris par leur humain qu’ils avaient fini par utiliser l’agression comme seul moyen de communication) devenir bien plus calmes et apaisés dans la maison, simplement parce qu’ils étaient maintenant écoutés dans leurs demandes.
Le chien comprend qu’il peut communiquer plus doucement, plus subtilement, parce que ses maîtres le comprennent enfin sans qu’il ait besoin de grogner ou pincer. Le foyer se retrouve apaisé et plus sécuritaire pour tout le monde
Notons également que la majorité des chiens n’aiment pas les bisous
De leur point de vue, une grosse tête d’humain qui s’approche ou se penche sur leur visage peut être très menaçant ou au moins intimidant. C’est malheureusement souvent dans ce cas de figure qu’une morsure arrive, pas si surprise que ça…
Encore une fois, la connaissance des signaux d’apaisement permet de vérifier facilement ce point.
Pour finir sur une petite digression, cette idée que les chiens aiment évidement être caressés peut créer des problèmes de réactivité si un chiot passe son temps à se faire accoster dans la rue par les passants sous le charme de cette boule-de-poils-trop-mignonne. J’en ai déjà parlé dans divers articles mais ce n’est jamais de trop :
Si bébé chien aime ça : “Cool, tous les humains que je croise vont me donner des câlins. Alors je vais foncer voir tout le monde en promenade pour en obtenir !” Problématique de rappel, de réactivité par frustration de ne pas pouvoir aller vers l’humain, traction sur la laisse, sauts, excitation.
Si bébé chien n’aime pas ça : “Les humains me font peur à toujours se pencher sur moi… Alors je dois les faire partir par tous les moyens” Agression de distancement, réactivité proactive (cherche à éloigner l’humain alors que celui-ci ne le regardait même pas), aboiement, traction sur la laisse, stress.
On ne touche pas un chien qu’on ne connaît pas. Jamais Même s’il semble hyper content de vous voir, il est peut-être justement en travail pour maîtriser ses émotions et alléger le mal de dos/bras de son humain
Lors des études de comportement, je prends en premier lieu un maximum d’informations pour essayer de comprendre le comportement du chien. C’est parfois difficile étant donné qu’il n’est expliqué que par le prisme de son humain, qui a parfois ses biais et idées reçues. Il me faut donc décortiquer ce que j’entends, poser des questions pour affiner (ou non) une hypothèse. Puis, enfin, nous avons l’explication du comportement de Toutou
Il s’agit ensuite de l’expliquer à son humain, afin qu’il le comprenne. Puis, finalement, nous cherchons des solutions
Mais si le client ne cherche que des solutions (ce qui est normal, on veut retrouver la sérénité du foyer rapidement), pourquoi lui expliquer la raison du comportement de son chien ?
Dans la majorité des cas, le comportement du chien est tout à fait normal au vu de sa situation.
Cela peut être un chien qui aboie durant l’absence de ses maîtres car on ne lui a jamais appris à tolérer la solitude. Cela peut être un chien réactif par manque d’une bonne socialisation ou d’un bon élevage. Ou encore un chien destructeur par manque d’activité générale.
Bien expliquer à la personne que son chien ne peut pas agir autrement du point de vue de son espèce, pour palier à ses besoins insatisfaits ou pour gérer ses émotions, lui permet de prendre du recul sur la situation. Le simple fait d’avoir une vue générale du contexte permet à la famille de modifier quelques habitudes et déjà d’avoir un changement dans le comportement de son chien. Ceci en conscience. Ce n’est pas l’éducateur qui dit “faites ci ou faites ça”.
Nous réfléchissons ensemble et j’explique pourquoi chaque petite modification faite dans les conditions de vie du chien pourra améliorer son comportement
Souvent, comprendre son chien permet d’avoir plus d’empathie pour lui
Se mettre à sa place, comprendre sa détresse, son stress. Il faut avoir conscience que notre chien ne fait rien exprès pour nous embêter ou par méchanceté, mais parce qu’il souffre, qu’il est perdu, apeuré ou frustré.
Être capable de comprendre ce que vit notre chien émotionnellement permet, à nouveau, de prendre du recul sur ses actions. De ne plus le voir comme un destructeur, un réactif, mais comme un être vivant ayant des émotions et étant dépassé par celles-ci.
En ayant de l’empathie pour notre chien, nous parviendrons mieux à gérer nos propres émotions afin de l’aider Ne pas crier sur un chien déjà stressé, ne pas le faire monter en tension à la vue d’un déclencheur, avoir conscience que nos émotions ont un impact sur lui…
Il faut replacer le chien à sa place d’être vivant conscient, avec toutes les émotions qui en découlent. Tout cela permet de renforcer le duo chien-humain, d’améliorer leur communication, pour que chacun se comprenne
Rappelons que le chien vit dans un monde d’humains.
Ce n’est pas à lui de s’adapter à toutes nos lubies, mais à nous d’être des guides pour faciliter sa vie, l’aider à surmonter les difficultés.
Le chien vit dans un monde d’odeurs et celui des humains est très complexe. On peut l’aider à prendre son temps pour renifler en allant dans des grands parcs, des forêts, des endroits calmes où il pourra laisser libre cours à son odorat fantastique.
Le chien est un prédateur , son sens de la poursuite est notamment exacerbé chez les chiens de berger. Pourtant, on leur demande de vivre proche des voitures, des vélos ect. Comprenons qu’il peut être difficile pour un toutou de contrôler cet instinct.
A nous de le socialiser correctement, progressivement, afin de l’aider à s’adapter à notre monde si différent du sien. On ne peut pas reprocher à un chien de chasse de vouloir chasser, à un chien de garde de ne pas vouloir d’inconnu chez lui, à un chien de berger de poursuivre, à un chien d’alerte d’aboyer.
Nous pouvons les aider à s’adapter à notre monde, mais c’est à nous de faire le premier pas. Comprenons donc que le chien est une espèce à part entière, avec des besoins et comportements différents des nôtres.
Enfin, il est important de comprendre la communication du chien.
Durant la première séance d’éducation, je prends le temps d’expliquer les moyens de communication du chien à ses humains. Notamment, les fameux signaux d’apaisement Tant de situations conflictuelles, tant de morsures et de belles frayeurs pourraient être évitées si tous les maîtres se renseignaient sur les signaux de communication avant d’adopter un chien.
Comprendre quand il commence à être mal à l’aise, quand ça devient trop difficile pour lui ou encore si sa limite va être dépassée, permet à nouveau d’avoir une bonne relation avec son chien. Je suppose que vous vous entendez mieux avec les personnes qui respectent vos envies que ceux qui vous agacent jusqu’à ce que vous ayez besoin de vous énerver sur eux pour enfin être tranquille.
Avant de chercher à modifier le comportement de notre chien parce qu’il nous dérange, nous devrions toujours essayer en premier lieu de le comprendre. Avoir de l’empathie pour lui, être capable de déceler son stress ou ses variations d’humeur fera naître une meilleure relation entre vous.
Rappelons que le chien ne nous doit rien, c’est nous qui avons voulu le placer dans notre foyer. C’est donc à nous de faciliter son intégration, de faire le premier pas, et non à lui de s’adapter à nous.
Conscientisons qu’il est un être vivant, avec ses propres émotions.
Grande question que sont les premières nuits avec notre chiot. On entend souvent qu’il faut le laisser pleurer dans son panier, au risque de le rendre capricieux ou qu’il pleure constamment pour attirer notre attention.
❌ Évidement, c’est faux. Il ne faut pas laisser son chiot pleurer et voyons ensemble pourquoi.
Déjà, un peu de bon sens : Mettons-nous à la place de ce petit bout 😌 Cela fait 2 mois qu’il dort en étant toujours accompagné de sa mère et de sa fratrie. Il est rassuré par leur présence et leur chaleur dans le seul monde qu’il n’a jamais connu. Et tout d’un coup, une paire d’humain l’enlève de son monde pour le placer dans un autre 😳 Si, généralement, bébé chien est joueur et curieux durant la journée (on est présent, on joue 🥎 avec lui et le distrait), la nuit sera une autre paire de manche. ➡️ Seul, il aura peur et aboiera pour chercher de l’aide. Le laisser dans sa détresse sera un évènement traumatisant pour un bébé d’à peine 2 mois.
Comment bâtir une relation de confiance avec un individu qu’on laisse seul et en détresse ? 🤷♀️ Nous devons lui montrer qu’on peut être là pour lui. Dormir 💤 avec son chiot (dans la chambre ou sur le canapé du salon) lui permettra de se sentir plus rassuré, de savoir qu’il peut compter sur vous 🥰 Il sera plus facile pour lui de vous choisir comme référent et de créer une relation sécuritaire, nécessaire à un chien adulte bien dans ses pattes. ➡️ Bref, pour grandir sereinement votre chien a besoin d’avoir confiance en vous. Et être présent pour lui est une première brique apposée à cette relation.
Un chiot laissé dans sa détresse apprendra qu’être seul, ça fait peur 😰 Cela rendra plus difficile l’apprentissage de la solitude lors de vos absences, car le jeune chien sera stressé. Le fait d’être seul doit être perçu comme quelque chose de normal, où le chien peut rester serein et relax. ➡️ Cela doit donc être travaillé progressivement, de façon à associer la solitude à quelque chose de positif, dans un plan d’entraînement contrôlé 😇
On sait aujourd’hui qu’il ne faut pas laisser les bébés 👶 pleurer car cela aura un impact sur leur développement et leur psychisme. Il en va de même pour les chiots. Votre chiot n’a pas les capacités cognitives 🧠 pour manipuler. Tout comme un jeune enfant, il ne peut pas faire de caprice. S’il pleure, c’est qu’il est en détresse, qu’il a un besoin. ➡️ Laisser pleurer un chiot revient à l’abandonner dans sa détresse, ce qui créé un stress, un manque de confiance en soi (et en vous) et des troubles du sommeil.
“Mais mon chiot n’a jamais pleuré / Il n’a pleuré que la première nuit” 💬 Dans ce cas, il se peut que vous ayez un chiot résilient, qui accepte son sort rapidement. Ça peut être un chiot qui a confiance en lui, même si à cet âge il est complètement normal de ne pas dormir seul. Mais dans la majorité des cas, c’est un chiot qui a pleuré un peu, constaté que ça ne servait à rien et qui arrête donc d’appeler à l’aide 😔 Cela ne le rend pas moins stressé pour autant.
✅ Alors n’hésitez pas à vous lever dès que votre chiot pleure la nuit. Oui c’est difficile, oui on dort moins les premiers jours. Mais cela fait partie de la réalité de vivre avec un chiot 🐶 On peut dormir avec lui dans le salon, on peut le faire dormir dans la chambre et progressivement reculer son panier s’il se sent mieux. En outre, cela permet de faciliter l’apprentissage de la propreté 🔎 car on peut agir dès le réveil de bébé chien pour le sortir, même en pleine nuit. En clair : Non, il ne faut pas laisser son chiot pleurer la nuit 🤗
C’est comme ça, malgré tout le travail que l’on pourra faire, certains chiens seront incapables de nous accompagner partout ou de faire certaines activités.
C’est malheureusement ce à quoi je suis souvent confrontée : On m’appelle pour travailler un chien réactif avec comme objectif “pouvoir l’amener partout”
Si certains loulous pourront progresser jusqu’à effectivement finir par être à l’aise en toute circonstance (et c’est ce qu’on souhaite à tous), d’autres auront des limites infranchissables
Du fait d’un traumatisme ou d’une trop grande sensibilité, marcher en centre-ville ou rester couché en terrasse sera trop difficile pour certains chiens. C’est tout, c’est comme ça.
On l’aidera à prendre les bonnes décisions en cas de stress (s’éloigner plutôt que charger), mais parfois ce n’est pas pour autant que votre chien sera à l’aise avec son déclencheur.
Dans le travail d’un chien réactif, notre but est de le rendre à l’aise dans un environnement au vu de ses capacités, limites et envies. Certains chiens apprendront à se détourner, à pouvoir observer de loin, mais n’aimeront jamais vraiment la présence de leurs congénères ou d’autres humains.
Il est important de définir nos objectifs en fonction de notre chien, pas en fonction de nos envies.
D’autres toutous ont tout simplement une personnalité qui ne convient pas à nos projets pour lui :
– Un chien de nature timide n’aimera pas forcément être trimballé parmi les humains en ville ou amené à des rencontres canines. Il n’aimera pas forcément rencontrer vos amis ou rester dans le salon lorsque vous recevrez des invités. Il appréciera les moments de calme et de tranquillité avec son maître et peut-être quelques copains-chiens aussi doux que lui.
– D’autres chiens seront trop calmes ou pantouflards pour le sport qu’on a prévu de faire avec eux Même en ayant mis toutes les chances de notre côté avec le choix d’une race active, les exceptions existent. Certains chiens ne sont pas faits pour l’agility ou le cani-cross, mais fort heureusement il existe pleins d’autres disciplines à essayer !
La génétique a aussi son mot à dire
Certaines races ont été sélectionnées pour être plus sensibles à l’environnement, à se méfier des inconnus, à réagir sur le mouvement ou sur des proies.
Il faut avoir conscience que les chiens de défense de troupeau tels que les patous ont été sélectionnés pour ne laisser personne s’approcher de leur famille. Il est donc normal qu’inviter régulièrement des inconnus sur son territoire soit une situation à risque
Il faut avoir conscience que les chiens de berger sont naturellement plus sensibles que la plupart des autres races. Il faudra donc leur offrir une socialisation du tonnerre pour qu’ils puissent être parfaitement à l’aise en pleine rue. Certains ne le pourront jamais vraiment totalement car leurs patrons-moteurs de poursuite ou de contrôle du mouvement seront trop ancrés en eux
Enfin et surtout, il est important d’accepter la personnalité de notre chien. Accepter qu’il soit un individu à part entière avec sa socialisation, ses traumatismes, ses doutes et craintes
Il faut accepter que le chien n’est pas là pour nous, pour nos envies, mais qu’il a ses propres préférences et capacités. Il faut parfois faire le deuil de ce chien parfait, prendre du recul et se dire que, finalement, notre toutou l’est déjà à sa façon
Lors des rencontres canines, on entend parfois “laissez-les communiquer, ils vont se débrouiller”.
C’est souvent plus compliqué que ça, car il ne s’agit pas de laisser notre chien interagir avec ses congénères sans règles ni limites. Nous ne vivons malheureusement pas dans un monde parfait où tous les chiens sont parfaitement socialisés, communiquent clairement et sont respectés
Premièrement, oui il faut laisser les chiens communiquer, donc :
A nous de ne pas tirer sur la laisse afin de ne pas créer de tension. Un chien ne communiquera normalement (ou de son mieux vis à vis de son expérience et de la situation) que s’il peut se mouvoir librement. Il doit pouvoir s’avancer à son rythme ou reculer s’il en ressent le besoin.
A nous de rester calme et de ne pas transmettre de stress à notre chien. Soyons détendu et ne submergeons pas notre chien d’informations. Si c’est ok de le rassurer et d’encourager un petit timide, il ne s’agit pas de lui répéter “sage, doucement hein” toutes les deux secondes.
A nous de rester en mouvement afin d’aider notre chien à se détourner de son congénère au besoin. Continuer notre balade l’aidera à proposer des pauses dans le jeu en reniflant les odeurs sur le chemin, ainsi qu’à diminuer en excitation.
Mais même si nous aidons notre chien à bien communiquer, il ne s’agit pas non plus de le laisser seul gérer ses émotions
En effet, notre chien ou celui avec qui il interagit peut se montrer impoli. Il peut être trop brusque, trop avenant, ne pas respecter les demandes d’arrêt de jeu ect.
On y revient toujours, mais c’est pour cette raison qu’il est important de se renseigner sur la communication canine (signaux d’apaisement, savoir repérer les phases du jeu et les comportements à risque).
Si la pression monte sans qu’aucun des chiens ne parviennent à faire cesser l’interaction, il est de notre devoir d’intervenir en séparant calmement. Chacun peut reprendre sa balade de son côté ou obtenir une occupation le temps que le calme revienne.
Rappelons enfin que notre chien ou le chien de nos amis n’a pas à jouer le rôle d’un éducateur.
Il n’a pas à subir les assauts d’un chien impoli ne le respectant pas. Si la situation devient trop difficile à gérer (plusieurs demandes d’arrêt non-respectées), nous devons l’aider.
Laisser Médor perdre patience peut mener à une bagarre voire le rendre lui-même réactif à force de rencontres agaçantes. Oui, il faut laisser les chiens communiquer, mais il faut qu’au bout du compte ce ne soit une mauvaise expérience pour personne.
Il est donc important de sélectionner les chiens que notre loulou rencontre afin de maximiser les chances que tout se passe bien. Dans une rencontre, tout le monde doit être ok : Les deux maîtres et les deux chiens
Plus jeune, je croyais en cette maxime. Tous les chiens étaient adorables et si je voyais un chien réactif dans la rue, je me disais que le maître avait dû le maltraiter ou à minima manquer à ses devoirs
Puis je me suis formée en comportement canin, sur les lois de l’apprentissage, sur le développement du chiot, sur la génétique canine.
Je peux donc vous affirmer que cette phrase est complètement fausse
D’abord, il nous faudrait définir ce qu’est un bon chien
On parle d’un chien bien dans ses pattes, plein de joie de vivre et de vivacité ? Ou d’un chien obéissant à son maître, qui ne fait pas de vague ?
Plaçons-nous le curseur sur le comportement extérieur du chien ou sur son bonheur intrinsèque ?
Le chien en tant qu’individu est-il bon si il communique correctement et s’il prend les bonnes décisions ? Ou est-il bon s’il se conforme à ce qu’on attend de lui, sans se rebeller ? Réfléchir sur ce point peut en dire long sur notre propre vision de nous-mêmes…
Je connais des chiens qui font des merveilles en club canin (assis, couché, marche au pied ect) mais qui chargent les voitures par peur ou instinct de poursuite
Mais être submergé par ses émotions ou avoir une forte génétique fait-il de ce chien un mauvais chien ?
Mais parlons maintenant de nous
Qu’est-ce qu’un bon maître ? Un maître qui sait se faire obéir ?
Parce que si un bon chien est un chien obéissant, je n’ai qu’à lui mettre un collier étrangleur, lui crier dessus au moindre travers et j’aurai un chien très obéissant, terrifié à l’idée de dévier de ce qu’on lui a inculqué. Pas sûre d’être un bon maître pour autant. Quoiqu’avec une éthique bancale, certains s’en persuadent…
Ou peut-être qu’un bon maître, c’est quelqu’un qui laisse son chien vivre sa meilleure vie ?
Mais si je n’instaure aucune règle, aucune limite, et que mon chien en liberté fonce sur tout le monde, je serai un poids pour les personnes ayant peur des chiens ou sortant leur propre chien réactif. Ne pas lui apprendre à gérer ses émotions (frustration notamment) peut aussi être un poids (inconscient) pour notre chien.
Ce principe de bon/mauvais chien/maître est déjà subjectif
Mais c’est aussi très culpabilisant.
Vous ne pouvez pas être défini sur le comportement de votre chien, et encore moins sur son comportement dans une situation précise. Si Toutou charge les autres chiens, il est peut-être aussi le chien le plus câlin et doux du monde à la maison
Si vous avez un chien difficile pour une quelconque raison, le simple fait de faire le premier pas et de prendre contact avec un éducateur canin comportementaliste fait déjà de vous un bon maître. Vous souhaitez améliorer le confort de votre chien et de votre foyer et êtes prêt à travailler en ce sens
Il est aussi (et surtout) très important de préciser que le maître n’a pas TOUT à voir avec le comportement de son chien
Mon chien n’est pas une chose créée de toute pièce par ma seule volonté.
Mon chien a une génétique liée à son espèce, sa race et sa lignée. Les chiens de berger seront naturellement plus sensibles et plus propice à développer de la réactivité. Un chien adolescentpeut aussi avoir du mal à gérer ses émotions.
Mon chien vit des expériences, parfois mauvaises, sur lesquelles je ne peux pas toujours avoir un impact. Il a pu vivre un traumatisme (attaque de chien) ou avoir un passé incertain (chien de refuge ou de mauvais élevage).
Méfions-nous aussi des apparences
Je connais des chiens dont les maîtres se donnent à fond, qui sont sortis régulièrement dans des lieux variés, qui ont beaucoup de jouets et de mastication, mais qui sont tout de même réactifs Durant les balades, un inconnu pourrait voir un humain débordé rendant son chien malheureux. Il ne verrait que la réactivité d’un chien dans un parc. Alors qu’un travail est en cours pour l’aider, qu’il progresse et qu’à la maison ce chien a tout l’amour du monde et que ses besoins sont comblés
A l’inverse, je croise parfois des chiens marchant au pied de leur maître, obéissant parfaitement, sans un pas de travers Mais peut-être que ce chien a toujours été “facile” (sait gérer ses émotions, peu d’instinct de poursuite, bonne socialisation chez l’éleveur ect). Cela ne rend pas son maître un “mauvais” maître, bien entendu. Mais cette personne n’a pas forcément plus de mérite que quelqu’un faisait de son mieux pour aider son chien anxieux, peureux ou agressif
Il m’est arrivé de voir un chien hyper obéissant, d’être admirative un instant avant de le voir se prendre un coup de sonnette pour avoir dépassé un peu trop son maître. J’en grimace de dégoût
Comme vu plus haut, mon éthique me laisse penser qu’un bon maître n’est pas un humain qui sait se faire obéir en faisant mal à son chien.
La fin ne justifie absolument pas les moyens s’il s’agit de brimer un individu, mais c’est un autre sujet.
Notre responsabilité est de faire de notre mieux, avec les cartes qu’on a en main
Bien entendu qu’avec de la prévention et de la recherche, il est plus facile d’avoir un bon jeu. On y revient comme toujours, mais il est important de se renseigner sur la race, ses besoins, l’élevage, l’individu, la socialisation ect.
Mais personne n’est parfait et malgré toute notre bonne volonté, des problèmes peuvent surgir.
Une mauvaise expérience, un individu plus sensible, une génétique plus réactive…
La réactivité de votre chien ne fait pas de vous un mauvais maître si vous cherchez à l’aider.
Un chien obéissant n’est pas synonyme d’une éducation éthique et saine.
Faisons de notre mieux. Avec amour et bienveillance
La détresse acquise est un très joli mot pour désigner quelque chose de vraiment pas joli du tout.
Cela désigne, pour un être vivant, le fait de se résigner, de ne plus chercher de solution, d’accepter son sort.
Imaginons que je vous enferme dans une petite pièce remplie de grosses araignées (ou souris, serpents, à votre convenance). Vous allez certainement paniquer, tenter de fuir, essayer de les écraser ect. Mais au bout d’un certain temps, vous allez finir par vous résigner, ayant compris que quoi que vous fassiez, vous n’alliez pas sortir de cette pièce.
Face à la peur, votre cerveau n’a d’abord que deux options : La fuite (essayer de sortir de la pièce, courir partout…) et l’attaque (écraser les araignées, essayer de leur faire peur…).
Mais vient également la troisième option : La détresse acquise. Vous avez tout tenté, tout essayé, mais rien ne fonctionne. Votre cerveau s’éteint, vous n’êtes plus capable de rien, vous n’essayez même plus de trouver une autre solution.
C’est une situation terrible car si la situation est répétée, en plus du traumatisme que cela peut causer, l’individu généralisera ce sentiment d’impuissance à d’autres situations problématiques. A la moindre douleur, au moindre stress, il n’essaiera plus de s’en sortir.
Malheureusement, nos chiens sont très souvent confrontés à la détresse acquise lors qu’ils sont éduqués en méthode coercitive. Voici quelques exemples :
Votre chien a peur des autres chiens. Cela peut être dû à une mauvaise socialisation, une attaque ou tout simplement qu’il préfère sa tranquillité. Voilà que, justement, vous croisez un toutou en promenade : Votre chien ne peut pas fuir puisqu’il est attaché. Sa seule défense est donc l’attaque afin de faire fuir ce qui lui fait peur. Il aboie, charge le chien d’en face et la situation est invivable pour tous.
Un éducateur en coercitif placera votre loulou en collier étrangleur et lui prodiguera un coup de sonnette (tirer violemment sur la laisse) dès lors qu’il essaiera d’attaquer un autre chien.
Votre chien ne pouvant ni fuir en étant attaché, ni éloigner l’autre chien en aboyant ou en chargeant, se placera automatiquement en détresse acquise. Fuir et attaquer ne servent à rien, il s’éteint et se résigne à devoir supporter la présence des autres chiens malgré son stress intense.
En l’apparence, votre chien est rééduqué. Mais pour lui, c’est simplement l’enfer.
Votre chien aboie continuellement, soit par manque d’activité, soit pas stress, soit pour obtenir votre attention. La situation devient invivable et vous faites appel à un éducateur qui vous propose de mettre un collier électrique ou à la citronnelle à votre chien. A chaque aboiement, le malheureux se prendra une décharge ou un jet à l’odeur très forte, juste sous la truffe (dois-je vous rappeler le sens de l’odorat très développé du chien, imaginez ce qu’il doit ressentir…).
Incapable de fuir ce qui lui provoque de la douleur, votre chien se placera en détresse acquise. Certes il n’aboiera plus, mais à quel prix ? Le stress est toujours présent, mais il ne peut pas l’exprimer autrement (personne ne lui a appris !).
En l’apparence, votre chien est silencieux. Mais pour lui, un stress ne pouvant pas s’évacuer est la porte ouverte à l’auto-mutilation, aux TIC et comportements répétitifs.
L’éducation canine en méthode coercitive regorge de techniques pour mettre votre chien en détresse acquise. Analysez bien les conseils que certaines personnes peuvent vous donner. Parfois, il s’agit juste de faire souffrir son chien jusqu’à ce qu’il arrête de se défendre…
Attardez-vous sur la cause du comportement plutôt que sur le comportement lui-même : Manque d’activité ? Stress ? Demande d’attention ? Peur ? Travailler la conséquence sans en comprendre la cause revient à infliger un stress voire une souffrance inutile à votre chien.
“Il sait qu’il a fait une bêtise.” J’entends cette phrase assez souvent lors de mes études de comportement, généralement suivie de “il fait sa tête de coupable”.
Cet article fait suite à un précédent article nommé “Non ne veut rien dire” dans lequel nous avions vu que disputer son chien ou lui crier “non” n’arrangeait pas vraiment les mauvais comportements. Aujourd’hui, nous allons nous demander pourquoi, malgré le fait que le chien ne comprenne pas pourquoi il se fait disputer, il fait tout de même une “tête de coupable” (notez bien la présence des guillemets).
Avant toute chose, il faut savoir que votre chien n’a pas la notion d’avoir fait une bêtise. Sa morale est différente de la notre alors comment pourrait-il faire la différence entre le bien et le mal de notre point de vue ? La moralité dépend de chaque personne, de sa culture et de son vécu, alors comment une espèce aussi différente de la notre pourrait-elle partager nos valeurs ?
Pour un chien, faire ses besoins à l’intérieur n’est pas mal en soi, c’est juste… Faire ses besoins en intérieur, point. Tout comme manger une pantoufle ou piquer un bout de gâteau. C’est devant lui, à disposition et Médor est un animal opportuniste : Si l’action lui apporte du plaisir ou soulage un besoin, il va avoir tendance à recommencer.
Une bêtise de notre point de vue est donc un comportement tout à fait normal pour le chien. Il ne s’agit que d’une action, la valeur “bien ou mal” c’est nous qui l’apposons dessus.
Mais revenons à notre “tête de coupable”. Cela fait plus de 15 000 ans que les chiens vivent à nos côtés. Durant ces millénaires, ils ont été sélectionnés pour leurs aptitudes de travail (chasse, poursuite, garde…) mais aussi sur leur pure apparence physique.
Les chiens sont devenus de plus en plus expressifs : Une étude a démontré qu’un muscle supplémentaire s’est développé au dessus de l’œil du chien durant sa domestication (lien en commentaire). Ce muscle, inexistant chez le loup, permet à Médor de soulever beaucoup plus intensément ses sourcils et donc, inconsciemment mais sélectionné par l’Homme, d’être plus attendrissant. La capacité de pouvoir faire une expression très démonstrative dont celle qualifiée de “tête de coupable” a donc été sélectionnée par l’Homme.
Au fil de la domestication, les chiens ont également appris à reconnaître très rapidement et avec une extrême précision les expressions humaines. Une autre étude (lien toujours en commentaire) a pu mettre en évidence que les chiens parvenaient particulièrement bien à distinguer une expression de colère d’une expression de joie, l’une associée à du négatif et l’autre à du positif. Les chiens peuvent donc communiquer avec nous et nous lire très facilement, mais l’inverse est-il aussi vrai ?
C’est donc l’heure de parler des signaux d’apaisement. Les signaux d’apaisement sont des signaux que va faire le chien pour s’apaiser lui-même (lorsqu’on souffle un bon coup pour se détendre), apaiser le chien ou la personne en face de lui (éviter/désamorcer un conflit ou indiquer qu’il veut une pause) ou lors de rencontre avec un autre chien pour se présenter poliment. Il peut s’agir de bailler, de regarder du coin de l’oeil (blanc de l’oeil visible, également appelé oeil de baleine), de se lécher la truffe, de se secouer, de tourner la tête, se mettre sur le dos… Notez comme pas mal de ces signaux se retrouvent dans notre fameuse “tête de coupable”.
Je n’ai nommé que les principaux, mais tapez simplement “signaux d’apaisement” sur votre moteur de recherche préféré pour en découvrir toute la complexité. Tous les chiens font des signaux d’apaisement, peu importe leur éducation ou leur race (le physique de certaines races les rendent cependant plus durs à observer).
Néanmoins, certains chiens ont malheureusement appris que leurs signaux n’étaient jamais écoutés et en font donc moins que les autres. D’autres ont été séparés trop tôt de leur mère et n’ont donc pas appris à les utiliser correctement ou à les repérer chez les autres chiens. Cependant, certains signaux restent des réflexes que le chien ne contrôle pas.
Ces signaux d’apaisement sont très importants à connaître car ils vous préviennent que votre chien se sent mal à l’aise ou est stressé. Les connaître peut donc prévenir des morsures (si le chien est écouté dès les premiers signaux, il n’aura pas besoin de mordre pour s’extirper d’une situation stressante), améliorer votre relation avec votre toutou en lui montrant que vous le comprenez ou mieux gérer les interactions canines en étant capable de voir lorsque votre chien veut stopper le jeu.
Un chien faisant une “tête de coupable” ne se sent donc pas coupable, il cherche juste à apaiser un conflit parce que vous êtes visiblement en colère. Votre énervement, injustifié pour lui, provoque donc du stress et une incompréhension de sa part, ce qui détériore votre relation.
Mais alors, pourquoi certains propriétaire de chiens me disent donc : “je sais qu’il a fait une bêtise avant même de la voir, ça se voit à sa tête” ? Le chien ne se fait pas encore disputer, pourquoi aurait-il une “tête de coupable” dans ce cas ?
Et bien parce que votre chien a associé les CONSÉQUENCES d’une “bêtise” (poubelle renversée, canapé déchiqueté…) à votre énervement, pas l’ACTION en elle-même. Pour lui, ce n’est pas le fait de fouiller dans la poubelle qui provoque votre colère, mais le fait qu’elle soit renversée. Ce n’est pas mâchouiller votre magnifique canapé, mais le fait que la mousse soit étalée au sol.
Pour prouver cela, plusieurs études ont été menées et résumées dans un document PDF que vous trouverez dans les commentaires. Je vais cependant résumer deux études (une de 1977 et une de 2009) ici :
– Une chienne prénommée Nicki avait l’habitude de déchiqueter des papiers en l’absence de son maître puis se faisait disputer à son retour pour sa bêtise. Lors de l’étude, il a été demandé au maître de déchiqueter du papier avant son départ et de le mettre dans la même pièce que sa chienne avant de partir. A son retour, Nicki affichait un comportement de chien se sentant coupable alors que ce n’était pas elle qui avait déchiqueté le papier. Elle avait donc associé la PRÉSENCE du papier à la dispute, pas à l’ACTION de la destruction. C’est le fait d’avoir été grondée précédemment qui a créé chez Nicki ce comportement “coupable” face à son maître (une multitude de signaux d’apaisement pour éviter le conflit, comme nous l’avons vu plus haut).
– Dans une seconde étude, il a été demandé aux maîtres de poser de la nourriture sur une table, demander au chien de ne pas y toucher et de quitter la pièce. Certains chiens obéissaient, d’autres non. Au retour du maître, on disait alors si le chien avait respecté leur ordre. Sauf que… On mentait à certains. Des chiens qui avaient obéi étaient alors qualifiés de voleur et étaient disputés. Ils affichaient alors leur “tête de coupable”, prouvant ainsi que c’est bien le fait d’être disputé qui déclenche “l’air coupable” et non pas la désobéissance ou la bêtise commise. N’hésitez pas à lire le document PDF mis en commentaire pour creuser ce sujet.
Votre chien ne comprend donc pas pourquoi il se fait disputer et effectue des signaux d’apaisement (que l’on qualifie à tort de “tête de coupable”) afin d’apaiser le conflit. Mais que se passe-t-il si les réprimandes arrivent trop souvent ? Que les signaux d’apaisement ne sont ni compris ni écoutés ?
La punition est une source immense de stress pour nos loulous. Sans en comprendre la raison, ils se font crier dessus, disputer ou isoler. L’incompréhension et la sensation de n’avoir aucun contrôle sur la situation va provoquer du stress, libérant des hormones (cortisol) qui vont augmenter les réactions agressives ainsi que leur intensité.
Certains chiens, naturellement plus résilients et patients, pourront supporter toute leur vie ces attaques incompréhensibles sans jamais se défendre. Mais pour d’autres, il suffit d’une fois de trop pour que le chien finisse par en avoir marre et se défende. Il s’agira de grognements pouvant aller jusqu’à une morsure. Outre cela, le stress engendré par les punitions répétées va diminuer la concentration et les capacités d’apprentissage du chien et augmenter sa réactivité. Il passe en mode survie, réagissant plutôt que réfléchissant.
Disputer son chien n’a donc aucun intérêt pédagogique. Cela ne lui apprend rien, le stresse et détériore votre relation. A la place, c’est à nous d’anticiper, de gérer l’environnement, d’apprendre de nouvelles compétences et comportements alternatifs à son chien et détourner l’attention lors de situations imprévues (voir l’article “non ne veut rien dire” pour développer ce sujet). “L’air coupable” n’est qu’une construction de notre point de vue humain. Nous donnons des intentions irréelles aux chiens qui ne cherchent qu’à communiquer leur malaise.