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Comment réagir quand on croise un chien réactif ?

J’ai récemment fait un article sur la politesse à adopter lorsque, avec notre chien sociable, nous croisons un autre chien, qui pourrait bien être réactif.

On a parlé de rattacher son chien, de prendre de la distance, de demander au gardien du chien avant de laisser le notre y aller ect.

Et si on se concentrait sur nous, en tant que personne ?

C’est à dire, si je croise un chien réactif alors que je marche seul, que je cours, fait du vélo ect, comment aider au mieux son maître à gérer cette situation ?

On parle souvent de comment réagir lorsqu’on a un chien réactif (mouvement, trajectoire, tension ect), mais passons de l’autre côté du miroir pour être le meilleur “humain sans chien” possible 😉

Cette personne qui a un chien réactif, on la voit de loin : Souvent, la personne va se tendre en nous voyant, s’arrête. Dans le meilleur des cas, elle va chercher une cachette le temps du passage ou essayer de prendre de la distance. Sinon, elle va raccourcir la longe en anticipant un déclenchement, car elle sait que la distance qu’elle aura ne sera pas suffisante.

Avant toute chose, en tant que personne consciente des mécanismes qui peuvent rendre un chien réactif (génétique, expérience traumatisante, socialisation), il est important de ne pas juger.

Un chien réactif n’est pas nécessaire le fruit d’une erreur de son gardien. Bien souvent dans le cas des chiens de berger par exemple, la génétique y tient une grande place. Si un petit chien s’est fait malmener par ses congénères, il y a de grandes chances pour qu’il les tienne à distance par la suite.

Notre regard doit donc être rempli de compassion, pas de jugement. Car il y a autant de stress chez le chien que chez son maître.

C’est toute l’essence de mon métier : Apporter à chaque famille les clés pour comprendre son chien, trouver la raison de la réactivité de leur compagnon, sans jamais y apporter un jugement. Personne n’a choisi d’avoir un chien réactif. Même si le gardien a fait des erreurs qui l’on mené à cette situation, le juger n’y changera rien.

Dans un premier temps, le gardien du chien réactif a besoin de temps et de distance.

Si possible, éloignons-nous afin que le chien retrouve sa zone de confort. Un petit détour sur notre chemin prévu n’a jamais tué personne, mais aidera grandement le gardien du toutou.

Si c’est impossible, le mieux est encore de demander : Est-ce que je peux passer ? Vous préférez que j’attende ?

Le simple fait d’avoir le temps de se préparer au croisement plutôt que de devoir raccourcir la longe en panique fera un bien fou au gardien.

Si vous courrez ou êtes à vélo, ralentir ou descendre peut aider certains chiens, notamment ceux réactifs au mouvement. Le mieux étant toujours de demander à la personne ce qui l’aidera le plus.

Quoiqu’il arrive, ne pas faire attention au chien.

Essayer de lui parler ou de le rassurer ne servira à rien, au contraire. S’il réagit déjà, vous ne ferez que l’énerver d’autant plus. S’il était à sa limite, une interaction ne fera que le déclencher pour de bon.

J’ai déjà eu affaire à un monsieur aboyant carrément sur le petit chien qu’on travaillait, ce qui n’a pas manqué de lui faire encore plus peur…

Faites donc de votre mieux pour ignorer le chien, car quoi que vous ferez n’améliorera pas la situation.

Il n’est pas non plus nécessaire de donner des conseils à cet instant : Même si la personne crie ou s’énerve, un conseil non sollicité sera forcément mal entendu. Culpabiliser une personne ne l’aidera pas à s’en sortir.

Évidement, ne prenez pas mal le fait que le gardien du chien réactif ne vous dise pas bonjour.

C’est déjà très difficile et culpabilisant de tenir un chien réactif ayant déclenché, en plus du stress que cela engendre. Dans ces moments-là, tout ce que l’on souhaite est que ça se finisse le plus vite possible.

Cependant, si vous parvenez à prendre de la distance, laisser du temps à la personne ou vous mettre suffisamment de côté pour l’aider, le soulagement et la reconnaissance du gardien du chien réactif seront immenses, croyez-moi.

Toutes ces petites astuces vous permettront d’être le bon samaritain du jour, d’aider quelqu’un à mieux appréhender une situation stressante, voire d’aider son chien.

En tant que pet-sitter, je promène des chiens réactifs.

Quel plaisir et soulagement je ressens lorsqu’une personne, me voyant chercher à m’éloigner, m’indique qu’elle change de direction ou s’éloigne d’elle-même pour me laisser passer.

A tout ceux qui ont et auront cette empathie, merci ! ♥

Education

Le mythe du chien régulateur

Ah, le fameux chien régulateur dont certains éducateurs se targuent d’avoir. C’est un chien “sociable mais qui ne se laisse pas faire” et qui va “remettre à sa place” le chien réactif.

Qu’est-ce qu’on peut voir ce genre de vidéos, c’est à la pelle : Un chien réactif en muselière, tenu en laisse courte, sur lequel on lâche un chien régulateur qui va s’en approcher vivement. Le chien réactif hurle de colère, de peur ou de stress, et le chien régulateur va la cartonner, le plaquer au sol, bref le “remettre à sa place”.

Quand on connaît les signaux d’apaisement, les zones de travail, la détresse acquise et un tas d’autres phénomènes documentés, ce genre de vidéos fait mal. Très mal.

Aucun respect de l’émotion du chien réactif, aucun respect de ses limites, de son corps.

A titre de comparaison, c’est comme si je vous ligotais et vous forçais à rester immobile alors que des araignées/souris/serpents (au choix) s’approchent de vous. Vous imaginez la détresse ? La panique ?

Et dans la finalité qu’est-ce que ce chien aura appris ? Que les autres chiens le bastonnent s’il montre son inconfort. Le choc de la bagarre va peut-être le garder anesthésié quelques jours, puis ça va reprendre.

Mais ici, nous allons nous pencher sur le chien régulateur. Ou plutôt sur son inexistence.

Dans l’imaginaire collectif, un chien régulateur est un chien sociable avec tout le monde, qui va directement aller voir ses congénères et les “remettre à leur place” s’ils se montrent agressifs.

Il y a plusieurs problèmes.

Utiliser son chien dans le but de lui faire rencontrer un max de chiens réactifs, c’est immoral.

Dans certains cas, le chien régulateur est lui-même un chien réactif. Un chien sociable et bien codé évitera la bagarre, ou au moins respectera qu’un chien ne veuille pas d’interaction. En voyant un congénère hyper tendu montrant des signaux d’agressivité, il s’en détournera. Mais s’il va quand même à la confrontation, ce n’est pas normal.

A force de rencontrer très souvent des chiens réactifs, il pourrait tout aussi bien le devenir à son tour. S’imaginer que tous les autres chiens vont eux aussi essayer de l’attaquer. Combien de mes clients ont un chien réactif à cause d’une mauvaise rencontre qui a traumatisé leur loulou ?

Pour faire une nouvelle comparaison, accepteriez-vous que votre enfant soit toujours placé en groupe avec des enfants turbulents ou harceleurs, avec pour justification qu’il est plus patient que ses autres camarades, ou qu’il ne se laisse pas faire ? Est-ce un stress et une responsabilités justifiés à donner à un enfant ?

Un chien qui s’entend avec tout le monde, ça n’existe pas.

Il est complètement normal pour tout être vivant social d’avoir ses préférences.

Un chien calme va rarement aimer se faire courir après par un grand joueur. Un chien tactile aura tendance à se frustrer face à un chien qui l’ignore. Un chien peureux aimera se promener avec un congénère qui ne vient pas trop vers lui.

Aucun chien ne convient à tous les profils.

Il est tout à fait possible “d’utiliser” d’autres chiens en séance, mais dans des cas très précis, et pas avec n’importe quel chien.

En fait, il n’existe pas UN chien qui va aller avec tout le monde. Il y a DES chiens qu’on va sélectionner en fonction du contexte et (surtout) du chien à rencontrer.

Si je travaille un chien réactif et qu’après plusieurs séances, j’estime qu’on peut faire une rencontre avec un congénère, je vais choisir un chien qui ne fait justement PAS attention à ses congénères. Je veux que le chien que je travaille se dise “ah mais celui-là ne vient pas m’embêter, c’est rassurant” et qu’il puisse prendre la décision de lui-même d’initier la rencontre.

Si je travaille un chien qui a vraiment du mal à se poser en balade, je peux faire une séance avec un chien très renifleur. L’autre va apprendre par imitation : “Oh mais qu’est-ce que tu renifles ?” et apprendre à renifler lui aussi, à calmer le rythme.

En fait, le chien régulateur bien “utilisé” sera plutôt un chien montreur. Un chien qui va donner l’exemple. Certainement pas un chien impatient qui va boxer son congénère dès qu’il en a l’occasion.

Ce sera souvent un chien calme qui va soit ignorer, soit interagir poliment avec l’autre chien en respectant ses limites. En fonction de ce qu’on recherche, on ne va pas prendre n’importe quel chien.

Par exemple en balade collective, je vais faire attention à ne pas mettre dans le même groupe des chiens craintifs avec des chiens exubérants.

Pour que mes craintifs/timides profitent de leur balade, le groupe sera d’abord composé de toutous sûrs d’eux mais qui ne vont pas aller embêter les autres. Des chiens qui font leur vie en reniflant. Ces chiens là sont une base hyper importante.

Du coup, mes petits timides vont renifler après l’autre, voire vont oser aller au contact. Et voilà que mon “régulateur” aura simplement montré l’exemple en rassurant les plus timides.

Et si durant la balade un toutou se sent pousser des ailes et embête un peu trop son monde, il sera rattaché et mis à l’écart le temps qu’il redescende en pression (c’est un être vivant, il a le droit de ne pas être au top 100% du temps). Le but est que chacun passe un bon moment !

Bref, le chien régulateur comme décrit dans toutes ces vidéos à succès, il n’existe pas.

Ce serait plutôt un chien réactif qu’on va lâcher sur un autre chien réactif pour le choquer et lui faire passer l’envie de montrer son stress. Ça ne respecte aucun des deux chiens, ça provoque du stress et ne règle pas le problème. Ça marche un temps, puis ça repart de plus belle.

Par contre, on peut complètement organiser des rencontres avec des chiens choisis en fonction du chien à travailler, pour le remettre en confiance. Mais aucun chien n’ira pas avec tous les autres.